Luc Praet explore les thématiques de l’altération de la mémoire, de la fragilité des émotions et du temps qui passe, remodelant sans cesse nos perceptions. Un voyage intense et profond sur les interprétations multiples et versatiles de nos souvenirs.

Altered interroge et saisit, bouleverse et laisse interdit. Est-ce des dessins ? Des parchemins ? Des écorces ? Malgré le doute, le tour de force de l’artiste est de nous perdre, alors qu’il s’agit bien ici de photographies, mais dans tout ce qu’elle a de matière, de relief. La distorsion du papier fait écho à celle des souvenirs qui se modifient dans le temps, et c‘est bien de cela qu’il s’agit dans ce travail colossal initié il y a plusieurs années. Une émotion peut-elle rester la même tout au long de notre vie ? Ou n’est-elle qu’une éternelle reconstruction mentale et visuelle ?

Dans cette nouvelle exposition, l’artiste approfondit sa réflexion initiée avec Landslag — une première série, dans laquelle il utilisait le procédé visant à déconstruire le souvenir de paysages qu’il avait photographiés, tournant autour du concept de persistance rétinienne, pour les réinventer à l’infini, questionnant la véracité de nos souvenirs.

Dans Altered, il va encore plus loin, en décortiquant littéralement le passage du temps, celui qui altère et modifie inévitablement la perception et le souvenir de nos émotions, à travers une technique photographique originale et inédite qui souligne son propos. L’instant photographié est vieilli, presque malmené, le papier se déforme, comme les souvenirs ou les émotions originales.

Présenté au cœur de l’espace ELEVEN STEENS, le travail de Luc Praet s’articule autour de deux chapitres, l’un faisant écho à l’autre, et laissant à l’œil du spectateur le souvenir morcelé, vivant, des images qui s’impriment dans notre mémoire. Chaque sujet, qu’il soit contemporain ou résolument classique, est précisément choisi pour sa capacité à susciter des émotions bien au-delà de leur nature intrinsèque. Il en résulte des œuvres fragiles, uniques et presque friables, exactement à l‘image des souvenirs que nous ne cessons, tout au long de notre vie, de tenter de reconstruire.

Marie Lemeland